La transplantation fécale pour lutter contre l’antibiorésistance !

La transplantation fécale pour lutter contre l’antibiorésistance !

Les scientifiques s’intéressent de plus en plus au microbiote intestinal, soit l’ensemble des micro-organismes vivant au sein de notre tube digestif. En effet, sa composition jouerait un rôle dans certaines pathologies digestives, inflammatoires, cardiométaboliques etc…Il existe un moyen radical de modifier avec succès la composition du microbiote : la transplantation du microbiote fécal. Elle consiste à « greffer » des selles d’un individu sain à un individu malade.

Éviter le recours aux antibiotiques

Depuis 2013, on sait traiter efficacement des patients atteints de colite à Clostridium difficile (une bactérie se réveillant à la suite de la prise répétée d’antibiotiques, notamment, responsable de diarrhées récidivantes et, à ce jour, deuxième cause d’infection nosocomiale aux États-Unis). La transplantation du microbiote fécal permet un taux de succès supérieur au traitement antibiotique de référence (la vancomycine). Une efficacité suffisamment rare en médecine pour mériter d’être soulignée. À l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, le Docteur Benjamin Davido* et son équipe s’intéressent à un domaine totalement innovant dans lequel cette technique de transplantation du microbiote fécal pourrait trouver sa place : la lutte contre la résistance aux antibiotiques. A ce jour, la colite à Clostridium difficile (agent infectieux au sein du tube digestif consécutif à la prise d’antibiotiques) est  la seule indication validée par les données de la science de la greffe fécale.

En effet, depuis 2015, cette équipe tente d’éradiquer le portage (la diffusion) de bactéries multi-résistantes (BMR) aux antibiotiques, pour lequel la prévalence augmente de façon exponentielle en France comme dans beaucoup d’autres pays, passant de moins de 1 % en 2003 à 11,5 % en 2016. Leurs travaux montrent que le fait de traiter par transplantation fécale les patients porteurs de bactéries hautement résistantes (un sous-groupe des bactéries multi-résistantes), limiterait de manière importante la diffusion de la résistance aux antibiotiques et diminuerait ainsi le risque potentiel d’infection pour les patients.

Dans leur étude FeDEX, la greffe n’a pas eu l’effet escompté au départ de plus de 90 % de succès sur les bactéries hautement résistantes (BHRe). En revanche, ils ont obtenu un effet bénéfique avec un taux d’éradication du portage proche de 50 % en un mois, sachant qu’il faut en moyenne six mois pour obtenir de tels résultats. Ces BHRe sont des bactéries multi-résistantes pour lesquelles il existe très peu, voire parfois plus du tout, d’antibiotiques efficaces, ce qui peut conduire dans une impasse thérapeutique avec un risque mortel. Cette technique ambitionne d’éviter le recours à des antibiotiques de dernière ligne et d’exception souvent associés à de nombreux effets indésirables et un taux élevé d’échec thérapeutique.

Comment améliorer ces résultats ?

Avec le concours de la banque européenne de fèces située à Utrecht, aux Pays-Bas, et de la start-up américaine Vedanta BioSciences, l’équipe du Dr Davido cherche à préciser pourquoi certains patients vont répondre à la greffe fécale, alors que chez d’autres elle va échouer bien que les tests approfondis montrent que le microbiote transplanté s’est bien adapté à l’organisme.

Plusieurs facteurs seraient à l’origine du succès de l’éradication de ces « super bactéries » : la qualité du microbiote du donneur, la préparation des intestins du receveur par lavement et, possiblement, un effet de dose de selles transplantées. Aujourd’hui encore et malgré d’autres travaux qui confortent nos résultats, nous ne savons toujours pas quelle est la dose nécessaire et optimale lors d’une transplantation du microbiote fécal pour cette indication. C’est comme si nous nous trouvions en face de 50 nuances de greffe ! Nous travaillons aujourd’hui avec un « super donneur » avec pour objectif de reproduire de façon efficace cette décolonisation en espérant atteindre des taux de succès supérieurs à 80% ! Si on y arrive, on pourrait contenir la diffusion de la résistance aux antibiotiques, responsable en milieu hospitalier de mesures d’isolement drastiques, et on évitera la propagation de ces germes résistants souvent hospitaliers.

*Benjamin Davido, médecin-chercheur au service d’infectiologie de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine)